Ange-Aimée Trente-Sous

Québec, ville portuaire, a connu son lot de prostituées. N’est-ce pas le plus vieux métier du monde? Ces femmes étaient connues dans leur milieu, sans plus. Certains clients avaient leur préférée. Néanmoins, elles étaient vite oubliées. Les historiens ont parlé d’elles collectivement, mais sans connaître leurs noms. Il y en a pourtant une qui a laissé sa trace et des souvenirs. Sa marque de commerce deviendra son surnom: Ange-Aimée Trente-Sous. Ça décrit le portrait. Elle a été active à partir des années 1960, dans le quartier Saint-Roch, mais également dans Saint-Jean-Baptiste et à la place D’Youville où elle a attiré bien des étudiants du Séminaire grâce à son tarif accessible. Beaucoup de gens la connaissaient sans avoir nécessairement eu à faire avec elle.

Une célébrité, au point tel qu’en avril 1985, «La Commune à Marie» présentait au Théâtre du Petit-Champlain la création collective «La vie tumultueuse d'Ange-Aimée Trente-Sous». Et ce n’est pas tout. En 2006, les éditions du Septentrion lançait le livre du photographe Roger Côté. Dans son «Québec ... pour la vie», il présentait des gens de Québec dans leur milieu de vie. Deux photographies y immortalisent Ange-Aimée, ce personnage éminent des bas-fonds de Québec. En 2013, c'est William Lessard Morin qui nous la rappelait dans son texte «L'escalier Ange-Aimée» dans la revue littéraire «Moebius». Même Plume Latraverse lui rendait hommage en 2003 avec sa chanson «Angélatine». Ange-Aimée... la plus connue des inconnus de la capitale.

Ange-Aimée a été mal aimée, a été souffrante, malade, fragile. Je l'ai connue au Café Rencontre du Centre-Ville, elle venait tout le temps manger et prier à la petite assemblée du deuxième étage. Un soir de 2007, un soir d'automne, elle m'a demandé de l'accompagner jusqu'à chez elle et de prier avec elle tout le trajet. Lorsqu'on est arrivé à la porte de son petit logement d'une maison de chambre à l'arrièere de l'Hôtel Belley elle m'a chaleureusement remercié d'une poignée de main. je n'oublierai jamais ce moment. 

Sa vie passée était derrière elle désormais. 

Photographie : Ange-Aimée Trente-Sous par Roger Côté, dans «Québec ... pour la vie», Septentrion, 2006, reproduit dans le journal l’Écho La Tuque Haut-Saint-Maurice.

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